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Dans les traditions philosophiques allemandes et françaises, c’est à la critique développée par la pensée marxiste que l’on doit de pouvoir aborder l’œuvre de Moses Hess (1812-1875). Pourtant le « rabbin communiste », comme l’appelait Marx lui-même...
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Auteur | Jean-Louis Bertocchi |
Pages | 201 |
Taille | 15,0 cm × 22,0 cm |
L'oeuvre de Moses Hess (1812-1875), à la croisée de chemins que notre modernité ne fait plus se croiser, mérite d'être mieux connue et analysée en profondeur. Cette meilleure connaissance pourrait permettre - nous l'espérons - de lever certaines méprises sur les trois "idées" énoncées dans le titre et sur ce qui les rassemble fondamentalement, qui n’apparaît pas (ou plus) aux yeux de la critique moderne. Doublement marginalisé, sa re-connaissance ouvrirait une brèche dans le malentendu tenace qui entoure les notions de communisme et de sionisme, et pourrait aider à résoudre la question irrésolue des liens entre classe et nation, quand il s’est agi d’en fonder une nouvelle pour le peuple juif à partir de la fin du 19e siècle. L’étude minutieuse qu’a mené Jean-Louis Bertocchi, à l’écart des chapelles, et armé d’un bagage philosophique rigoureux, apporte un éclairage nouveau sur ce « communiste et sioniste qui joua un rôle décisif dans le premier mouvement […] et inventa virtuellement le second » (I. Berlin).
Dans les traditions philosophiques allemandes et françaises, c’est à la critique développée par la pensée marxiste que l’on doit de pouvoir aborder l’œuvre de Moses Hess (1812-1875). Pourtant le « rabbin communiste », comme l’appelait Marx lui-même, non sans quelque nuance de mépris, fut l’un des penseurs du xixe siècle qui questionna au plus près les conditions de la liberté et de l’égalité sociales. Dans les études juives, la philosophie de Moses Hess est très rarement évoquée, si l’on excepte les commentaires de Martin Buber ou de Isaiah Berlin qui font de Moses Hess ce « communiste et sioniste (qui) joua un rôle décisif dans le premier mouvement […] (et) inventa virtuellement le second ». Parallèlement, si le sionisme hessien ne fut pas toujours bien accueilli au xixe siècle par le monde juif, Ben Gourion décida, en 1961, de faire transférer ses cendres en Israël, où elles furent déposées au kibboutz Degania, aux côtés de celles de Sirkin ou Borochov qui, à sa suite, avaient opéré une synthèse entre marxisme et sionisme.
Toutefois, Moses Hess fut l’objet d’une double marginalisation. D’un côté, l’intellectuel juif sioniste disparut derrière les débats autour de l’État Juif de Herzl et, pour les maîtres de la spiritualité juive, le questionnement hessien était à interpréter comme celui d’un philosophe de l’histoire, trop profane pour être soumis à l’étude et médité. Moses Hess, pourtant, ne s’éloigna jamais de la spiritualité juive et partagea non seulement la douleur de l’exil et les souffrances des Juifs européens, mais aussi l’attente du retour en terre promise. Toute l’œuvre de Moses Hess nous semble témoigner du rôle de cet héritage culturel et cultuel qui fit du philosophe de l’émancipation un penseur juif et un précurseur du « sionisme », dont le terme ne verra le jour que quelques décennies plus tard. Sa dernière œuvre d’importance, Rome et Jérusalem, témoigne à la fois de son attachement au judaïsme et de sa conviction de la nécessité d’une terre pour son peuple. D’un autre côté, le premier communiste allemand s’est exprimé bien trop radicalement en tant que philosophe humaniste et (proto)-sioniste pour pouvoir exister sur la scène de la philosophie politique occidentale. C’est que, au sein de la pensée communiste, les théories retenues n’ont, le plus souvent, autorisé qu’une lecture de l’émancipation réglée par le matérialisme historique, c’est-à-dire par des représentations proches du positivisme, soumettant l’histoire, l’activité économique et politique à un strict déterminisme. Cette conceptualisation de l’émancipation a marqué la constitution même de la pensée marxienne. Confronté à ces orientations tout à la fois économiques, politiques et philosophiques, Moses Hess qui n’abandonna pas l’idéal d’un communisme humaniste et demeura fidèle à ses héritages culturels, ne pouvait qu’être tenu à distance. Le livre de Jean-Louis Bertocchi veut porter un éclairage nouveau sur cette œuvre pionnière et singulière à bien des égards et dont le cœur est bel et bien la discussion serrée de la pensée de Spinoza, juif banni de sa communauté, lu attentivement par Marx lui-même, et et dont l’attribution du nom à une petite rue de Tel Aviv croisant la rue Gordon, un peu avant d’arriver à l’avenue du Roi Salomon (Shlomo ha Melekh), en partant de la mer, a suscité jadis une vive polémique dans les instances municipales.
Par cette publication nous voudrions réparer une injustice et susciter une discussion, sinon apaisée, du moins constructive, que devrait provoquer la collusion dans un même titre des deux vocables « communiste » et « sioniste », dont les sens respectifs semblent avoir échappé à quelques-uns de nos contemporains.
Jean-Louis BERTOCCHI, Docteur en Philosophie et Professeur à la retraite a participé aux activités de recherche URA – CNRS 1084 et a publié: Marx et le sens du travail. Editions Sociales, 1996; « H. Arendt : une pratique de la philosophie en question » in Reconnaissance du travail, Sous la direction d'Y. Schwartz. PUF, 1997; « Du corps au travail, des dramatiques au jeu » in La Pensée n° 312; Après le structuralisme, Publications de l'Université de Provence, 1998
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